Une belle journée ensoleillée en Hauts-de-France
Isabelle Caniot
Elle était annoncée comme la plus belle journée de la semaine… les prévisions se sont avérées justes. C’est donc sous un beau soleil que les 17 membres de l’AAM – dont 3 venus d’Ile-de-France – ont arpenté la Flandre Intérieure ce 3 juin : sous la houlette de Colette et Jean-Jacques Vichery, respectivement trésorière et gardien du temps – organisateur, nous avons arpenté un jardin conservatoire, dégusté des spécialités, percé le secret de la fabrication des gaufres flamandes fourrées, et été enchantés par de magnifiques orgues mécaniques.
Le CBN
Nous nous retrouvons à l’entrée d’un lieu unique dans la région : le Conservatoire Botanique National de Bailleul (CBN), avec ses 25 hectares de nature. C’est un organisme scientifique agréé par l’État pour des missions d’intérêt général au service de la flore sauvage, de la fonge (= les champignons et les lichens), de la végétation et de leurs habitats. Ses 50 employés (dont 10 situés à Amiens) mènent de front plusieurs missions : la connaissance des espèces et leur suivi ; la préservation et la conservation d’espèces menacées ; la communication, la formation et la sensibilisation du public ; et enfin le conseil, principalement auprès des collectivités territoriales pour leurs aménagements.
Nous y sommes accueillis par Luanne, qui nous fera découvrir les deux jardins conservatoires. Nous commençons par le jardin des plantes sauvages, qui regroupe par thèmes 1 000 plantes de la région : « les parents sauvages des plantes potagères et maraîchères » avec les ancêtres de la salade, de la betterave, etc… ; les anciennes variétés de céréales (le blé-épeautre, l’avoine « noire de Roye »…) ; les rosiers, où l’on apprend que les insectes pollinisateurs plébiscitent les églantines pour leur pistil plus accessible ; « les beautés mortelles », dont l’aconit, la plante la plus toxique d’Europe ; les plantes tinctoriales ; les plantes utilisées pour le tissu, comme les orties…
Une autre section est consacrée aux habitats reconstitués : prairie humide, mare (avec un concert donné par les grenouilles), dune de galets, tourbière… arrêtons-nous à cette dernière : c’est un milieu très humide, très riche en nutriments, qui retient et filtre l’eau ; on y trouve par exemple la sphaigne, une mousse qui est capable de contenir jusqu’à 10 fois son poids en eau ! Dans une tourbière, on peut retrouver des espèces disparues, car ce que contient la tourbière ne se décompose pas.
Luanne nous montre l’espèce la plus rare conservée à Bailleul : c’est la violette de Rouen, qui pousse sur de la craie ; ils ne parviennent pas à la réimplanter dans son milieu naturel. Ensuite nous parcourons le jardin des plantes médicinales, qui en contient 500, dotées de multiples vertus : cicatrisantes, antidépressives, aromatiques, cosmétologiques, etc. Une mare y abrite entre autres espèces, de l’utriculaire, la plante carnivore la plus rapide d’Europe. Le CBN comprend en outre des pâtures, une forêt, gérées de manière à préserver le plus possible la biodiversité ; il possède aussi une bibliothèque, une base de données, des herbiers… toutes ressources mises à disposition du public. Et pour avoir une idée plus complète de tout ce qu’il propose, on peut se référer au site internet du CBN : https://jardins.cbnbl.org/ .
L’Auberge Dikke Buuk
Que signifie ce nom ? « Gros ventre » tout simplement. Il est vrai que nous y avons été copieusement servis, de plats majoritairement locaux : carbonade, poulet au Maroilles et… filet américain. Et si le dessert se réduisait à un (excellent) café gourmand, c’est qu’une autre surprise se profilait à l’horizon, toujours à Bailleul.
L’Atelier des Arts sucrés
Nous pénétrons à présent dans un lieu enchanté à Bailleul : une équipe de 12 personnes y fabrique et y vend des confiseries, macarons, chocolats, gaufres, glaces… Même après un bon repas, l’étalage nous met l’eau à la bouche !
Nous y sommes accueillis par le patron, Mickael Brassart. Pour le situer, on peut déjà noter qu’il est issu d’une lignée de boulangers, et qu’il a remporté le prix de la meilleure gaufre lors de la cinquième semaine de la Gaufre, le 25 mars 2025, décerné par un jury présidé par l’écrivain Frank Thilliez. Depuis, nous dit-il, la demande en gaufres est telle qu’ils sont passés d’une fabrication hebdomadaire à une fabrication quotidienne : 20 kg de pâte par semaine, qui donneront 800 gaufres !
Nous avons le privilège de pénétrer dans l’antre de fabrication, où Mickael Brassart nous dévoile les secrets de la confection de ses gaufres uniques.
Tout d’abord il nous éclaire sur les différentes sortes de gaufres : il y a les gaufres de Bruxelles, les plus courantes, rectangulaires, fabriquées à partir d’une pâte liquide et qu’on déguste dans les foires ; les gaufres de Liège, moins moelleuses et plus petites ; les « strinj », gaufres sèches que l’on confectionne traditionnellement au nouvel an dans les Flandres ; et enfin, les gaufres fourrées, popularisées par la pâtisserie Méert à Lille – dont le Général de Gaulle raffolait paraît-il.
C’est à ce dernier modèle qu’appartient sa production. Ce sont des gaufres rondes, cuites 4 à la fois dans des moules belges imposants. L’un des secrets est de les faire cuire rapidement, à 250°. Quand on les sort du moule, elles sont gonflées, presque sphériques : il faut alors se hâter de les trancher en deux dans le sens de la longueur. Il reste ensuite à les fourrer avec un mélange de vergeoise et d’autres ingrédients… chaque boulanger ayant sa recette.
Il nous partage volontiers la sienne et nous invite à la tester à la maison.
Heureusement, nous ne partons pas bredouilles car il nous offre les gaufres qu’il vient de préparer … Miam !
La Ferme des Orgues
Nous nous rendons ensuite à Steenwerck, dans l’extraordinaire musée de la Musique mécanique créé par Patrick Desnoulez, qui est l’un des derniers facteurs de musique mécanique en France. Le musée contient 250 instruments de musique qui fonctionnent tous : « phonographes, pianos mécaniques, orgues de danse, bastringues, limonaire, orgues de Barbarie et autres merveilles se remettent en mouvement pendant la visite du musée », nous annonce une plaque dès l’accueil.
En effet, Charles notre guide nous présente une grande variété d’instruments, et nous met à contribution pour les faire fonctionner ! Arrêtons-nous sur certains d’entre eux.
Il y a là plusieurs orgues de foire ou de danse, créés par les 3 grands fabricants flamands (aujourd’hui disparus) : Decap, Verbeeck et Mortier ; notre guide nous raconte alors l’étonnante histoire d’un orgue Mortier nanti d’une magnifique façade art déco en bois : avant la dernière guerre, il animait un dancing dans le Limbourg. Contraints à l’exil, les propriétaires ont édifié un mur pour cacher cet orgue, mais ne sont jamais revenus. Des années plus tard, il a été découvert par les nouveaux propriétaires, bien endommagé mais debout. Un collectionneur américain, propriétaire de cirque, s’y intéresse et le fait venir à Hawaï, puis s’en défait et l’orgue atterrit finalement chez Patrice Desnoulez, qui l’a remis à neuf.
Nous découvrons aussi un Piano bastringue, l’ancêtre du juke-box : il faut d’abord remonter le ressort, choisir son titre, puis y mettre 2 sous.
Nous admirons aussi un piano Steinway de 1914. Il a été transformé en « orchestrion » par Patrick Desnoulez, en y ajoutant d’autres instruments : 1 500 heures de travail !!! Nous écoutons la délicate musique d’un instrument qui fonctionne avec un disque en métal repoussé ; il est originaire du Tyrol ou de Bavière, et fonctionne avec des pièces de 5 pfennigs de 1895.
Parmi les curiosités : une serinette, dans une petite cage, pour apprendre aux oiseaux à chanter pour les concours ; une boîte à musique en forme de distributeur de papier toilette !
Notre guide nous montre aussi les différents supports permettant de lire la musique : des cartons perforés, des rouleaux à picots, des grands disques métalliques… il nous montre aussi un piano qui, une fois actionné, joue une partition enregistrée par le compositeur lui-même, en l’occurrence George Gershwin pour Rhapsody in Blue.
Enfin il nous invite à visiter le Musée des arts forains à Saint-André-lez-Lille, et le musée de la Musique mécanique à Mirecourt dans les Vosges.
On peut aussi réécouter quelques instruments de la Ferme des Orgues sur leur site : https://www.lafermedesorgues.com/la-ferme-des-orgues-en-video/
Conclusion
La journée se termine déjà. Tout le monde est ravi par tant de merveilles, prêt à récidiver. L’année prochaine ?







